Nous devons
ici vous rappeler que vivre avec le Vih.Sida, c'est vivre avec une
maladie chronique dont l'handicap est majeur.
Aujourd'hui, on ne guérit toujours pas du Sida & pratiquer le
barebacking impose d'assumer préalablement un
nouveau destin : celui de vivre en tant que gay séropositif.
Face au
sexe à risque : une inégalité, celle du statut sérologique
Le barebacking, qu'il soit vécu comme
exutoire ou culture sexuelle identitaire*, ne peut être regardé de
la manière égale entre gays séropositifs et séronégatifs.
Face à des
rencontres, très souvent sérodiscordantes, celui qui prend le plus de
risque est bien le prétendant S- : son statut sérologique ne peut,
statistiquement, que basculer de S- vers S+, quelles que soient les
précautions prises (réduction des risques).
Cette première remarque ne
veut pas dire le barebacker S+ ne prend pas des risques importants pour
sa santé, mais ils sont moins évidents et beaucoup plus liés à son
parcours personnel. Ces remarques imposent
donc quelques rappels et un petit développement.
*
Les usages sociosexuels d'Internet & le développement d'une culture
du risque au sein de la communauté homosexuelle,
Léobon A, Frigault L-R, Lévy J. Mai 2003, rapport de recherches
Le traitement du Sida, ses limites, ses conséquences
Si, depuis l'année 1996,
la maladie inquiète moins,
les espoirs de guérison
sont toujours nuls :
on ne guérit pas du Sida.
Actuellement,
on traite l'infection sans l'éradiquer
: on la limite, la ralentit ou la contrôle, sans la stopper ;
Si les multithérapies
permettent de gagner du temps et de la qualité de vie, la logique
Sida=Mort se déplace vers
Traitement=Souffrance ;
Le virus, maintenu
silencieux à coût élevé de médications lourdes, reste là et son murmure
est obsédant : il se rappelle à toi en t'imposant
une surveillance médicale constante, des
prises régulières de médicaments aux effets secondaires flippants
dont on commence juste à découvrir les effets à long terme (lypotrophie,
ostéoporose etc.) ;
Enfin, ces traitements
eux-mêmes montrent leur limites,
les échecs thérapeutiques obligent à de nouvelles combinaisons de plus
en plus difficile à gérer. Les (sur)contaminations récentes sont déjà
pour plus d'un tiers résistantes à l'AZT.
Tout cela, les S+ sous
traitement et les malades du Sida le savent et ils savent aussi que,
selon son propre capital santé et son moral, on peut vivre l'impact des
traitements comme un pur bénéfice,
mais aussi les subir avec
bien des souffrances.
Entre Stigmate & communauté de destin
Faire un choix bareback
c'est donc, pour le séronégatif, assumer ce qui est préalablement
exposé, c'est à dire
assumer un nouveau destin
qui n'est pas encore perçu, ni vécu comme un nouveau stigmate.
Être barebacker, pour le
séropositif, c'est sans doute rechercher une nouvelle communauté de
destin rattachée à ce statut sérologique et à une sexualité, dont la
provocation est réactionnelle. Mais cette communauté de destin
n'est-elle pas une leurre, un pur mirage
: le barebacking
dépasse-t-il la sphère consommatoire du sexe, prend-il en compte la
notion de groupe sous l'angle de l'entraide dans la maladie qu'il
phagocyte ?
Il ne s'agit pas de parler ici stigmate
dans un élan sociologique branché mais d'une réalité incontournable :
on ne cache pas si facilement son Sida dès lors qu'il faut le traiter et
prendre des médicaments toutes les huit ou douze heures, souvent à jeun,
garder cette horloge dans la tête et zapper les grasses matinées, les
week-end sans sommeil etc.
Dans le
trip Bareback : une seule certitude, celle de se contaminer
Il
est donc nécessaire d'être
explicite : être un
barebacker S- est un doux rêve,
dont la durée est statistiquement
inversement proportionnelle au plaisir d'être ou de se faire
remplir. Mais une fois, avec un peu de malchance, suffit à se
séroconvertir.
Tant qu'à la
confiance réciproque, basée sur le sérotriage [souvent perçu comme une
injustice : (les S- baisent avec les S-) & (S+ baisent avec les S+)],
elle impose de vivre tout plan cul bareback en suivant les règles de
l'abandon traditionnel du préservatif dans le couple
(test concluant suivi de
trois mois d'abstinence) ... No comment : à la lecture de l'expression
en ligne de la fantasmatique à l'oeuvre dans la communauté, ce type de
réduction des méfaits semble déplacé voire
en opposition avec le
Trip tel qu'exprimé par les internautes... la partie pour les acteurs de
Santé est loin d'être facile.
Nous devons aussi être
très vigilent face au fantasmes sur les trips "contamination ou
conversions" : ne
vous fiez jamais aux dires, ou même aux documents, propres à vous
rassurer sur le statut sérologique d'un partenaire.
Vous devez toujours partir du principe
qu'un partenaire barebacker est ou peut être S+ et ce quel que soit son
discours. Le choix bareback ne mérite aucune dialectique : il est
unidirectionnel.